Pathogénie de l’hallux valgus et de l’hallux rigidus
Ces deux déformations ont une pathogénie commune et il existe d’ailleurs des formes mixtes qui sont intermédiaires et que l’on pourrait classer (ou que l’on hésiterait à classer) dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Cette pathogénie demande à être bien connue car pour traiter ces déformations, il est important de savoir comment elles sont apparues et surtout pourquoi. La cause doit être absolument traitée sinon le traitement chirurgical quand il est indiqué ne peut pas garantir l’absence de récidive ; ensuite, en s’occupant de la cause, il est possible d’envisager un traitement préventif.
Or une des causes les plus fréquentes de ces déformations, sinon la principale, est l’apparition de gastrocnémiens courts à un moment de croissance rapide. Leur allongement par simple kinésithérapie permettrait soit d’arrêter l’évolution ou d’éviter l’apparition de ces déformations ou encore d’éviter une récidive après une correction chirurgicale.
Les nombreuses fois où nous avons été amenés de faire allonger ces muscles, nous avons constaté que bien des douleurs liées à ces déformations disparaissaient et cela permettait d’éviter une intervention chirurgicale. Mais nous sommes persuadés qu’en gardant des gastrocnémiens de longeur normale au cours de la croissance grâce à des exercices rapprochés et continus, nous éviterions l’apparition des ces pathologies. Ce qui demanderait un travail étalé sur plusieurs années.
Tout se passe comme si ces déformations étaient la résultante d’un déport du centre de gravité vers le dedans, c’est à dire vers la ligne de marche.
Le déséquilibre provoqué par le déport du centre de gravité vers le dedans est rattrapé soit par une réaction musculaire qui applique fortement le premier rayon au sol ce qui aboutit à l’hallux rigidus ; ou par le déplacement du premier métatarsien qui s’écarte du second ce qui donne l’hallux valgus dans les chaussures étroites.
Que ce soit un valgus de l’arrière-pied dû à des gastrocnémiens courts ou à une autre cause comme un bassin très large ou une déformation des genoux, qui sont reponsables d’un déport du centre de gravité en dedans, l’avant-pied peut réagir de plusieurs façons pour rétablir un équilibre adéquat.
- Le plus souvent on assiste à une déformation du premier métatarsien en adduction par rapport à l’axe du pied, qui passe par le second métatarsien.
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Le premier métatarsien est éloigné du second pour rééquilibrer le déport du centre de gravité en dedans et l’hallux est dans le prolongement du métatarsien ; ce n’est que le port de chaussures trop étroites qui repoussera l’hallux et sera responsable de l’hallux valgus.
Le pied se présente alors avec le premier rayon écarté du second (1) : l’angle M1-M2 augmente et l’hallux est dans le prolongement du métatarsien (on l’a appelé à tort « pied ancestral »). Ce pied se rencontrait par exemple chez les Japonaises avant l’utilisation des chaussures occidentales qui ont repoussé le premier orteil an adduction (position appelée à tort « hallux valgus » mais admise définitivement par tout le monde).
Si cette déformation est la plus fréquente c’est parce que, à sa base, le premier métatarsien est faiblement attaché au second. Une fois, la déformation ébauchée, elle est agravée par les transfuge des muscles qui n’agissent plus dans le prolongement du premier métatarsien mais qui, à la manière de la corde d’un arc, accentuent la déformation. Le metatarsus abductus (appelé à tort metatarsus varus) est d’autant plus important que la cause du déplacement du centre de gravité agit plus précocément. Mais par la suite, la malléabilité osseuse chez l’adulte permet une déformation tout aussi importante mais demandant plus de temps pour apparaître (après une fracture de jambe chez l’adulte ayant déplacé le centre de gravité, on a pû observer un hallux valgus très important après 30 ans d’évolution). Les déformations du premier métatarsien s’effectuent également en torsion avec pour résultat une tête métatarsienne qui se présente en pronation.
- Une deuxième manière de réagir est l’hallux rigidus : on a l’impression que les ligaments du premier rayon ne présentent aucune faiblesse et que la seule manière de réagir, vu que le premier métatarsien reste dans sa position normale par rapport au second, est l’action très accentuée des muscles fléchisseurs qui appliquent fortement le premier rayon au sol. Le gros orteil est se dispose en barquette, avec flexion exagérée de la première phalange et en conséquence extension de la seconde.
Gros orteil en barquette bilatéral.
Le gros orteil en barquette est caractérisé par une flexion de la première phalange et une extension de la seconde. Il y a surcharge sous l’articulation P1-P2, siège parfois d’un durillon.
Gros orteil normal et gros orteil en barquette avec P2 en extension sur P1
  parfois une ostéotomie d’extension de P1 doit être réalisée
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Il est arrivé que la douleur articulaire de l’hallux rigidus, tel qu’on le voit sur cette radio a été soulagée par diminution de la pression suite à l’allongement du gastrocnémien. Parfois l’image radiologique était très impressionnante et le patient a été tout à fait soulagé :
- Une troisième manière de réagir combine les deux manières précédentes et on observe des hallux rigidus à tendance d’hallus valgus et des hallux valgus à tendance d’hallux rigidus. Il s’agit de formes mixtes où les ligaments ne présentent qu’un faiblesse toute relative.
Hallux valgus mais gros orteil en barquette et cliniquement, raideur MP : forme mixte entre le HR et le HV.
- Plus rarement, c’est le seul hallux qui réagit en se mettant en abduction (position improprement appelée hallux varus)
Le valgus entraîne un déséquilibre qui est compensé par un déplacement des hallux.
- ou ce même hallux se met en flexion constituant un hallux en griffe (observée chez des adolescents) qui a cédé à l’allongement des gastrocnémiens par simple kinésithérapie.
- enfin, avec l’âge, particulièrement chez la femme, il arrive, suite à la rétraction sénile des gastrocnémiens qui accentue la brièveté des gastrocnémiens et donc le valgus de l’arrière-pied, que le déplacement du centre de gravité soit plus important et c’est toute la structure de la ferme du pied qui s’affaisse suite aussi à la faiblesse des systèmes ligamento-musculaires de soutien : c’est le pied valgus plat post-ménopausique, observé également chez les hommes. L’allongement des gastrocnémiens a permis d’améliorer la situation et d’éviter une intervention qui est toujours assez importante.
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L’allongement des gastrocnémiens a souvent permis de supprimer les douleurs articulaires liées à l’hallux valgus ou à l’hallux rigidus. Elle devrait précéder toute intervention prévue pour ces déformations. D’abord parce que de cette façon, l’intervention est parfois évitée et parce qu’il est logique de traiter la cause si on veut éviter une récidive et que ce geste d’allongement est indispensable, quitte à le réaliser chirurgicalement si on ne peut le faire autrement cad si on ne dispose pas d’un kinésithérapeute bien informé. Cependant, l’incision doit se situer le plus bas possible du mollet, du côté interne, à l’endroit où le gastrocnémien s’insère sur le tendon d’Achille ; mais il est également possible de l’allonger dans le creux poplité en ne s’attaquant qu’au chef interne (ce qui est suffisant).
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Exemple d’un traitement d’hallux valgus où les gastrocnémiens n’ont pas été allongés : il y a eu récidive après deux ans.